Alain Amrah Horutanga

Mon univers cité: tous dehors

Le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique avait pris, en date du 13 Mars, la décision de renvoyer tous les étudiants des universités publiques chez eux annulant en même temps leurs inscriptions. Une décision prise par le ministre en réponse à la grève déclenchée par ces mêmes étudiants. Par cette grève, les étudiants manifestaient leur mécontentement après le décret présidentiel réorganisant l’octroi de la bourse.

Ce 14 mars date à laquelle les étudiants devraient vider le campus, je passais voir certains amis qui faisaient leurs valises. Je ne préfère pas reporter le contenu de la conversation mais sachez que c’était triste. Imaginez quelle voix peut avoir une personne qui n’a pas de famille dans la capitale, à qui on donne quinze heures pour vider le lieu ne sachant pas chez qui demander refuge. Imaginez aussi le discours qu’il peut vous tenir.

Restaurant
Il est 12h30, ce lieu est en temps normal noir de monde. Mais ce 14 mars, on pouvait entendre même une feuille morte qui tombait.

En allant jeter un coup d’œil sur la valve où était affiché ce décret, j’ai compris ce que pouvait ressentir certains étudiants. S’ils avaient le pouvoir de jeter un sort (un AVC par exemple) sur certaines personnes, ils l’auraient fait sans doute.

A vous de juger par ces images de notre cher décret en torchon où il était bon de chier dessus que de lire son contenu.

Pas possible
Ce « pas possible » est un exemple palpable d’indignation. Il s’agit de la copie du décret affiché à la faculté des lettres de l’université du Burundi.

Ce « pas possible » est un exemple palpable d’indignation. Il s’agit de la copie du décret affiché à la faculté des lettres de l’université du Burundi.
Ce « mauvais » est un autre exemple d’indignation. Il s’agit toujours de la copie du décret affiché à la faculté des lettres de l’université du Burundi.
Imigambi yanyu
« Cette décision n’engage que son auteur » c’est ce qu’on peut comprendre, sauf que l’auteur n’est pas n’importe qui.


Quand les Etats-Unis baisent le Burundi sur un SOFA pour des millions !

 Je ne savais pas du tout ce que SOFA signifiait. Les choses se sont clarifiées au fil du temps. J’ai fini par comprendre que c’était un accord militaire permettant aux Etats-Unis de déployer des forces armées dans un pays étranger. Je ne pouvais penser que ce genre d’accord existait. Mais une question m’est venue à l’esprit : et si un jour on leur demandait la pareille, ils nous l’offriraient . Des Burundais débarquant à Hawaï avec le même type d’accord. Même dix mille ans après, cette hypothèse se caserait toujours dans le domaine de l’impossible, j’en suis sûr. Certains voient en cet accord un retour en arrière, une forme déguisée de la colonisation et surtout l’ébranlement de la souveraineté du Burundi. Oh ! Le Prince Louis Rwagasoré devrait se retourner dans sa tombe. S’il y a moyen, que son fantôme plane sur cet accord. On peut ainsi résumer le sentiment de certains Burundais. Pays vendu à quelques millions ? Certains le pensent forcément. Mais il n’y a rien d’alarmant. Ce genre d’accord existe et ce n’est peut-être pas le Burundi qu’on vise ! Retenons notre souffle et… regardons à côté de nous (la République démocratique du Congo, très riche et instable ou encore la Tanzanie, au nom de lutte antiterrorisme). La guerre des influences ? Il y a la Chine qui quadrille le Soudan du Sud aussi. Ceux qui s’intéressent à la géopolitique, à la stratégie… nous monterons sûrement des théories, mais à la fin ce sont eux, les Américains, qui sortent toujours vainqueurs. C’est comme ça même dans les films.

Qu’est-ce qu’un SOFA ?

Status Of forces Agreement, en toutes lettres. D’après ce que j’ai compris, un SOFA est une entente juridique entre deux pays dont l’un demande à établir des troupes militaires sur le territoire de l’autre. Il se concentre particulièrement sur les problèmes juridiques visant les activités des personnels militaires et leurs biens.

C’est bien la question juridique qui pose problème dans ce cas. De l’avis de certains médias, c’est une première dans l’histoire des SOFA qu’un accord de ce genre se passe entre deux Etats. Même étant faible, on ne peut pas se rabaisser jusqu’à ce niveau-là. Voici donc certaines dispositions de cet accord.

C’est comme si des super hommes débarquaient chez dénigrant votre justice, votre souveraineté, vos institutions, votre autorité sur tes propres possessions. Ce qui nous rappelle la colonisation où il y avait des lois pour les Blancs, différentes de celles réservées aux indigènes et que même la compétence des juridictions avait une couleur. Mais cette fois la compétence prend la marque du drapeau étoilé. « Ce qui ne s’achète pas avec de l’argent s’achète avec beaucoup d’argent » disaient les Guignols. Il est encore plus facile de soudoyer l’affamé, mais un jour il  rassasiera et quand il aura acquis des forces,  il voudra remplacer à sa table la Primus par le vin et il sera gourmand de plus en plus jusqu’à mordre la main de celui qui le nourrissait.


Une école pas comme les autres


Deux grandes réformes ont vu le jour dans l’espace éducatif Burundais aussi bien dans l’enseignement supérieur que primaire. Les études supérieures ont pris la forme LMD  (Licence, Master et Doctorat), l’école primaire est passée de 6 ans à 9 ans en adoptant pour qualificatif « Fondamentale ». Aujourd’hui on parle de l’école fondamentale pour designer l’ancienne école primaire.

Certaines personnalités avaient salué ces mesures pendant que d’autres les avaient fustigées parce qu’il n’était pas temps. Pour certains esprits avisés, l’insuffisance des moyens plaidait plutôt pour un renvoi (aux calendes grecques ?) parce que notre pays est très pauvre et ce depuis 1962, année de l’indépendance. D’ailleurs la pauvreté c’est notre marque de richesse si je m’en remets encore aux propos de nos dirigeants. Il fallait construire de nouvelles salles de classe.

Et moi dans cela ? Rien. Je n’avais ni critique, ni éloge pour ces réformes. Je suis le peuple donc je subis. Je ne suis pas l’inventeur de « parfois les images parlent un peu plus que les mots ». Il suffit  alors de voir de vous-même les images qui suivront pour comprendre le pourquoi de ce billet et prenez votre temps.

Dans la commune de Musaga près du lycée municipal, à la première avenue, se trouve une école primaire ou fondamentale aujourd’hui et dont le nom m’échappe encore. Peu importe. Il y a un temps, par amour pour les belles images que nous offre le pays, j’avais voulu raconter cette première année fondamentale de l’école fondamentale sur ce blog. L’école m’avait intrigué et non pas pour son architecture mais plus que cela, la concentration des écoliers. A voir cette image ci-dessous vous vous poserez surement la même question que moi.

Ecole fondamentale

 Un mois après la rentrée scolaire donc au mois d’octobre voici ce qu’elle était.

Comment peut-on étudier dans de telles conditions ? Un massacre collectif pour une partie de l’avenir de demain, la jeunesse. L’extérieur s’offre directement à l’écolier d’où il apprend à reconnaître les klaxons de toutes les marques de voitures plutôt de d’entendre la jolie voix de sa maîtresse. La concentration devient difficile dans ce vacarme. J’allais vous épargner du décor de la scène. Mais il y a ceux qui ne connaissent pas la première avenue de Musaga. Voici comment se présente le décor :

La première avenue de Musaga est pratiquement dernier arrêt bus partant de Musaga vers le centre-ville. Trois, voire parfois quatre bus peuvent attendre quelques grosses minutes remplir au moins la moitié des places vides du véhicule sans clients. Si une personne habillée en dimanche pointe son nez, c’est la bagarre générale. Un potentiel client qu’il faut à tout prix qu’un convoyeur l’intéresse à monter dans son bus  » iyi ni salo  » ou encore  » umuntu umwe gusa » alors qu’il y a encore 15 places vides. Le client coincé entre trois convoyeurs ne sait plus quel bus prendre. Un le tirant par la main gauche et un autre s’occupant la droite mais le troisième a l’important avec lui, le sac en main ou le panier. Une scène à laquelle il faut absolument assister.

À côté de cette école il y a aussi un débit de boisson et en face un studio de copiage des musiques et films. Le pire est que l’école n’est pas clôturée et elle est au bord de la route à 5 m d’une des routes les plus dangereuses. Je me passe d’une possibilité d’accident de roulage qui verra un ivrogne ou pas venir percuter une classe de cette école.

Une solution a été trouvée pour ces fenêtre il fallait juste… Ça se passe sans commentaire, trois mois plus tard les images ont encore à nous raconter ! 

Ecole fondamentale

Je sais qu’il y a pire que ça ailleurs dans ce cher Burundi mais celle-ci a eu le malheur d’être plus près de moi et à la fois visible sans avoir à gravir ses milliers de collines. Ces images ont été prises en cachette avec mon téléphone dans un bus. J’adore mon pays qui protège et éduque ses filles et fils gratuitement et fondamentalement aussi.

 


Le fonceur

A tous ceux qui croient et qui sont conscients que la vie est un combat. En ce moment où se pointe 2014 et où nous sommes appelés à faire une rétrospective de l’année 2013 qui prend fin, si elle n’a pas été bonne alors ne vous découragez pas. « Tant qu’y’a la vie, y’a espoir. » Vive 2014.

En route vers la réussite, le chemin qui m’y mène est parsemé d’embûches. J’y laisse sueur, sang et larmes. La première a salé ses lacs. Ses fleuves et ses rivières laissent circuler le rouge de mon sang. Lorsque l’une des larmes tombe dans l’un de ses vastes océans de désolation, la terre et ciel s’agitent, c’est la tempête. Ses bornages qui me servent d’appuis portent mes empreintes. Son air sent mon haleine et dans ses entrailles, j’y ai laissé ma merde. Il semble que, désormais sur tous ses coins et recoins, il porte mon ADN.

coq

Tous les jours, le maître coq se moque de moi, en entonnant ce chant de malheur :

coooocooriiiiiiicoooooo.

Ce chant entonné et repris par les tous les autres animaux de son espèce me rappelle combien long est ce chemin. Je me passe de son chant et je continue mon combat. Je bouche mes oreilles tel un sourd. Mais quand ses moqueries transpercent mes tympans, elles se retraduisent en des encouragements comparables à ces chants des stades de football qui poussent les acteurs à se surpasser, à aller au-delà de leurs limites.

Mais parfois aussi, je me résigne tel un esclave enchaîné quand tout semble être contre moi. J’accepte la défaite d’une bataille tout en n’envisageant pas celle de la guerre. Esclave de mon but aussi, ce dernier m’enchaîne. Je joue au sourd quand on me dit que je n’y arriverai jamais. Je joue au muet en ne répondant que par mes actes. Les défaites m’encouragent un peu plus que les victoires. Je suis un fils, un descendant de la race des vainqueurs.


Révision constitutionnelle : si j’étais le législateur (acte 2)

Je précise d’emblée qu’il s’agit tout simplement d’une fiction montée afin répondre à la question de savoir à qui devrait profiter la révision constitutionnelle. Je respecte les institutions de l’État ainsi que sa constitution (même si je ne l’ai jamais approuvée). Je ne peux non plus prétendre avoir le droit d’initier une quelconque révision constitutionnelle. Seuls le Président de la République, l’Assemblée Nationale et le Sénat peuvent prendre une telle initiative (art. 297 de la constitution). Mais puisque la question est toujours d’actualité, parlons-en !

Comme on le sait, l’État est très puissant et ceux qui le meuvent peuvent être tentés de détourner cette puissance à des fins personnelles et oublier l’intérêt général qui doit guider son esprit d’où la présence dans des nombreux textes de certaines limites. Pour des raisons d’intérêt général toujours, on retrouve une certaine hiérarchie des textes et au sommet la Constitution qui est la loi fondamentale. La tentation de s’éterniser au pouvoir est grande chez nos dirigeants. Mettre la constitution à sa taille semble être la mode. Tout recours devant une juridiction sensée faire respecter cette loi est peine perdue. La décision est connue d’avance et est toujours en faveur de la formation politique au pouvoir. Les exemples ne manquent pas. Au pays de Lumumba, on supprimera le deuxième tour des élections présidentielles ce qui permettra au président actuel d’être réélu avec moins de 50 % des voix exprimées au premier tour. On se rappellera encore du Conseil constitutionnel ivoirien qui invalidera les résultats des élections présidentielles dans certaines circonscriptions favorables à Ouattara. Quant à notre Cour Constitutionnelle, l’invalidation des mandats de 22 députés dissidents du CNND-FDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie) nous laisse dubitative sur son indépendance. Et dire que cette Cour devrait, peut-être et si cela se confirme, se pencher sur la question d’une probable troisième candidature de l’actuel Président de la République, ça craint.

Constitution-p
Le dialogue est aussi un deal politique

Le dialogue  réclamé par les partis de l’opposition ne sera qu’un énième rapport de force entre les politiques où chacun tirera le « drap-peuple » de son côté et à la fin, on finira par avoir des brèches permettant aux uns et aux autres, une fois au pouvoir, de nous jouer le même tour, nous le vrai peuple. Il est important de souligner que ce rapport de force nous protège aussi quelque part, mais il ne va rien résoudre parce nous peuple, nous ne participerons pas directement à ce dialogue. Un exemple frappant dans la constitution qui est le résultat d’un autre dialogue se retrouve dans la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, de son fonctionnement et de ses attributions qui ne peuvent en aucun cas garantir l’indépendance de la Magistrature et de surcroit, l’indépendance de la justice. Cette constitution est une œuvre issue d’un long processus de dialogue inter-burundais, mais qui s’avère être plutôt un deal politicien.
La question des quotas ethniques dans la composition du gouvernement est un autre exemple frappant et prouve ce qui est dit haut, un deal. 60% des hutus et 40% des tutsis (art. 129) comme quoi le Burundi ne comptent que des hutus et des tutsis. Tout en oubliant que l’élément commun à la base à la guerre civile et qui aboutirait au fameux accord d’Arusha était l’exclusion. Quelle place pour les minorités ?
L’œuvre humaine n’est pas parfaite et la loi fait partie de ces œuvres humaines. La constitution de 2005 qui est l’aboutissement d’un long processus de négociation à Arusha n’échappe pas aux critiques mêmes les plus acerbes.
Si j’étais législateur et soucieux du peuple, je porterais mon attention à alinéa. 3 de l’article 209, les articles 217 et 219 de la constitution. J’ajouterai une disposition interdisant toute révision qui portera atteinte à la limitation des mandats du Président de la République à l’instar de la Constitution de la République Démocratique du Congo dans son article 220.


Quelle différence y a-t-il entre le réseau de téléphonie Leo et un coiffeur de Nyakabiga ?

Quelle différence y a-t-il entre le réseau de téléphonie Leo et un coiffeur de Nyakabiga ?

Aucune du tout. Ils sont tous pareils ! Tous les deux peuvent bien renvoyer ton programme au temps de l’imparfait et l’incinérer dans royaume des Si-Je-Savais. Ce réseau tout comme le coiffeur a le mérite de bien user des Si-je-Savais parfaitement à l’imparfait qui de surcroit porte valablement son nom. Les gens adorent ce réseau au point que son slogan ne fait même pas objet de publicité « foutu réseau !». On s’attendra peut-être à un si Je-Savais accompagné de « j’aurai dû acheter une autre carte sim », pour Leo et le second à un Si-Je-Savais accompagné de j’aurai dû ne pas aller chez ce coiffeur de Nyaka (Nyaka pour les intimes). La question je la pause ainsi pour trouver un lien entre les deux. J’aurais pu dire ce qui les rapproche? Une chose certaine qui les rapproche est l’incertitude dans le chef de chacun. Pour le réseau arrivait à offrir un service sans se plaindre et pour le coiffeur de Nyaka, l’incertitude à venir à bout des cheveux sans incident majeur voire même mineur.

Tout dépend aussi de l’urgence. L’urgence en question ne m’avait pas permis de réfléchir à une chose : les coupures intempestives de l’électricité à Buja. Sans réfléchir, je traverse la route et je me dirige droit vers le salon du fameux coiffeur de Nyakabiga, très accueillant par contre et je m’installe. On me passe trois fois la tondeuse et là … coupure d’électricité. Pire, il n’y a pas de générateur et j’ai un rendez-vous à 14 h. Que faire attendre ou sortir sa tête du salon, parcourir Nyaka afin de trouver un autre salon de coiffure disposant d’un générateur ou encore se rendre à Bwiza, plus proche de Nyaka. Toutes les options avaient son côté pas joli-joli. Mais il fallait trouver la moins mauvaise. Soit accepter que le monde extérieur te considère fou en sortant avec une coiffure digne d’un fou ou soit retarder le rendez-vous. Ce côté pas joli-joli pourra entacher ma petite réputation. La deuxième option était beaucoup plus douce. Mais à ce moment où je prends cette décision le réseau me joue son tour de magie. La conclusion est simple il n’y a pas de différence entre les deux. La suite est que j’avais fini par accepter de me promener avec cette coiffure que j’ai ensuite baptisée : au gré du coiffeur et de Leo. La Regideso (entreprise publique chargée à la distribution d’eau et de l’électricité) aussi y est pour quelque chose.