Alain Amrah Horutanga

Recrudescence de l’insécurité à Bujumbura : témoignages

On constate aujourd’hui l’insécurité prendre des proportions inquiétantes dans certains coins du Burundi. Des témoignages rapportés par les médias locaux font état d’hommes armés en tenue militaire et policière qui commettent des exactions au grand dam de la population. Cette situation pousse certains citoyens à croire qu’il s’agirait des jeunes du Parti au pouvoir qui auraient été formés en R.D. Congo.

A Bujumbura, les cas des agressions physiques et des vols sont tous les jours rapportés et commentés sur les réseaux sociaux. Des hommes armés des machettes et couteaux, habillés en manteaux noirs, sèment la terreur dans les quartiers de Bujumbura.


Je vais apporter mon témoignage mais aussi ceux de certains de mes amis.

Si certains se font agresser généralement la nuit ou au petit matin, moi je m’étais fait agresser en fin de journée entre 17h45 et 18h00 dans le quartier de Kinindo, au sud de Bujumbura, il y a de cela trois ans. Un groupe de neuf personnes s’était approché de moi me demandant de l’argent pour s’acheter du chanvre : « tupe za ganja »*. En voulant me débarrasser d’eux avec un billet de 1000 f, ils ont sauté sur moi comme des bêtes en furies en m’assenant des coups de poing et des coups de pied. Ces bandits m’avaient pris mes téléphones et mon porte-monnaie. C’était visiblement des jeunes habitant le quartier.

Le comble est que cela s’est passé à moins de 100 mètres du poste de police du bureau communal de ladite commune. Sachant qu’ils étaient toujours au même endroit, j’ai couru jusqu’à la commune où j’ai demandé à voir l’officier de police. Il sort en me demandant ce qui n’allait pas. Je lui narre le déroulement de l’agression. A ma grande surprise, il me dit qu’il ne peut rien faire, qu’il y a toujours eu des bandits de ce côté-là et c’est là m’est arrivée à cause de mon imprudence. J’insiste en lui disant qu’ils sont toujours là et il me répond « je ne vais pas risquer ma vie, ni celle de mes hommes ». Imaginez la déception. Quelle est la mission d’un policier au Burundi?

Les amis

Pendant que j’avais encore mal aux côtes, un proche me rapportera une info comme quoi un de nos amis venait d’être poignardé et qu’il était hospitalisé. Il avait été agressé presque au même endroit que moi et vraisemblablement par le même groupe. Il avait eu la mauvaise idée de se défendre pendant qu’il se faisait dépouiller. C’était tout le malheur. Mais heureusement pour lui aucune partie vitale n’avait été touchée. Après ces deux faits, ce quartier était devenu pour moi le lieu le plus dangereux de la capitale et pourtant c’est un beau quartier apparemment paisible. Il faut se méfier des apparences.

Il y a deux semaines qu’un ami vivant en plein centre-ville, a vu surgir derrière lui un groupe de jeunes l’accusant d’être un « imbonerakure.» On l’a assaini des coups et ils lui ont pris tout ce qu’il avait comme objet de valeur. Il n’est même pas Burundais. Il revenait d’une boite de nuit.

* Donnes nous de quoi acheter du chanvre


Une photo avec le crocodile ? Non merci

Le crocodile du musée vivant avec lequel il est possible de se photographier
Le crocodile du musée vivant avec lequel il est possible de se photographier

Quand on visite le musée vivant de Bujumbura, il y a un guide et qui fait son boulot comme d’habitude : il vous guide. Il vous fournit quelques explications et informations intéressantes sur certaines espèces animalières présentes. Vous pouvez aussi lui poser des questions auxquelles il vous répond gentiment et sans ambages. Mais dans la suite de la conversation, il vient un moment où vous visitez les crocodiles et il vous dit :

– Si vous payez 1000 Fbu*, vous pouvez entrer dans l’enclos de ce crocodile et prendre une photo avec lui

– What ? pensant qu’il y avait peut-être une erreur du récepteur et je fais semblant.

Oui monsieur, le récepteur reçoit cinq sur cinq. Vous avez bien entendu qu’il est possible de prendre une photo avec un crocodile. Et donc pour être bien sûr d’avoir entendu, il ajoute en vous rassurant :

– Il n’y a pas à s’inquiéter, il est fainéant. C’est le plus fainéant de tous les crocodiles vivants ici. Il ne bouge que pour manger.

Alors je questionne mon être en ces termes après ces paroles rassurantes venant du guide :

– Et si ma tête ressemblait à son mets favoris ? Je lui servirai donc de nourriture !

Voyant qu’il y avait toujours une hésitation de mon coté, il s’avança, ouvrant la barrière en m’invitant à le suivre dans l’enclos où se reposait tranquillement le crocodile.

– Non, merci. Je ne veux pas de photo avec lui. Un animal reste un animal.

Il touche l’animal, le caresse et du coup il me vient à l’esprit la triste l’histoire de l’ivoirien Dicko Toké, le dompteur des caïmans, qui avait défrayé la chronique. Je la lui raconte. Il fut surpris et tétanisé.

*Franc Burundais


L’eau gaspillée à Buja, recherchée à Goma

 

L'eau courante

L’eau c’est la vie, dit-on. Personne n’ignore que sans eau la vie est impossible mais elle ne porte toujours pas cette qualité en tout temps et à tout lieu. Elle peut aussi s’avérer être la mort si elle est polluée ou si elle est impropre à la consommation. Ce qui est désormais appelé « or bleu » est reparti de façon inéquitable aux Terriens. Elle est aussi devenue une source de conflits dans certains coins du monde et au pire instrument de domination et de pression.

Cette inégalité dans la répartition est devenue au fil des ans un élément créateur de conflits. Les exemples sont légion dans le bassin du Nil et dans le Moyen-Orient. La guerre pour un puits, une rivière, une oasis est devenue monnaie courante. L’Afrique sahélienne nous offre un bel exemple, malheureusement. La pomme de discorde souvent est un point d’eau.

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Il existe aussi des pays où la ressource est abondante mais encore impropre à la consommation pour toute sa population, comme au Burundi. Dans quelques centres urbains et villes, il n’est pas rare de voir de l’eau coulée des fontaines publiques ou des robinets à longueur des journées. Une situation vraiment lamentable quand on sait que presque un citoyen sur deux n’a pas accès à l’eau potable dans ce pays. Et pendant ce temps, dans la capitale Bujumbura, le gaspillage de cette importante ressource ne cesse de croître comme nous le voyons sur la photo ci-dessus prise dans le jardin de la place de la révolution. Un clin d’œil à la ville de Goma dans sa campagne #GomaVeutdelEau. A Buja, on la gaspille.


Le jour où Dieu cligna les yeux

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Ceci est un extrait d’une fiction (embryonnaire) inspirée des évènements de l’histoire récente du Burundi. En ce jour de commémoration du 21ieme anniversaire de l’assassinat du président burundais Ndadaye Melchior, j’ai choisi cet extrait. Cette date rappelle aussi les massacres qui ont suivi sa mort.

… Ils étaient aux aguets, attendant un clignement d’yeux du coté de Dieu, La Sentinelle pour mettre en pratique le plan concocté depuis des mois. C’était un secret de polichinelle. Même Johnny, le perroquet du voisin répétait sans cesse la chanson : « À feu ! À sang ! Nous voulons la tête de SE Barundi1». L’hymne des ogres avait remplacé celui de l’unité…

La tension était palpable, largement au-dessus de la moyenne. Les cœurs battaient à la cadence des pas militaires, à la vitesse des « je-m’en-fous »2, au rythme des crépitements de balles, répondant aussi aux détonations des grenades. Les battements cardiaques étaient en parfaite harmonie avec les obus qui passaient au-dessus de nos toits. Aucun oiseau ne chantait ce matin-là. Ils étaient pourtant nombreux à traverser le ciel la veille, dans la soirée. Ils avaient quitté le delta de la Rusizi pour s’abreuvaient ailleurs parce que l’eau était souillée. Et pourtant ils adoraient faire le touriste à cet endroit. Les hirondelles3 qui faisaient la pluie et le beau temps de tout le peuple s’étaient réfugiés dans un silence de cimetière.

Il était interdit de sortir son nez dehors. Quand il était long on l’aplatissait et quand il était aplati on l’allongeait. C’était la raison pour laquelle personne ne sortait chercher les haricots pour les enfants ou de l’herbe pour les lapins. Tout le monde avait peur de l’inconnu. On ne savait pas si une machette, une serpette, une houe, une balle perdue d’une mitrailleuse ou une kalachnikov bien garnie allaient nous accueillir à la sortie.

Ma terre-mère était en feu. Le voisin pleurait. Mais on ne pouvait voir ses larmes qui s’asséchaient aussitôt grâce la chaleur que dégageait le feu. La fumée épaisse aveuglait tout le monde au point qu’aujourd’hui personne ne peut raconter avec exactitude ce qui est arrivé au voisin. « Il a disparu dans la fumée, emporté par les évènements. » Les rivières en sang et pleines de cadavres avaient fait le bonheur des poissons et des crocodiles. Elles offraient un paysage apocalyptique du pays. Gustave, le géant crocodile, et sérieux témoin n’est plus pour passer à la barre. Comme lui, des témoins et certains ogres disparaissent sous le poids de l’âge. Ils ne viendront jamais nous dire combien de vies, ils ont ôtées…

1 Littéralement c’est le père des Burundais. Le chef de l’État.
2 Des jeeps militaires.
3 le surnom de l’équipe nationale du Burundi


#BAD2014 : une pilule facile à avaler, le sort des Pygmées

L’histoire lointaine du continent africain nous apprend que les premiers habitants de l’Afrique équatoriale sont les pygmées. Mais aujourd’hui la destinée de cette population autochtone est entre les mains des dominants bantous. Quelle place occupent-ils dans le paysage politique, social et culturel des États?

crédit photo : www.edirisa.org
crédit photo : www.edirisa.org

Les Pygmées ont été réduits presque à l’esclavage dans certaines régions d’Afrique. Leurs semblables humains se sont transformés en prédateurs les obligeant à fuir. Aujourd’hui, ils sont menacés d’extinction. Vivant essentiellement de la cueillette et de la chasse, cette population voit chaque jour se réduire son espace vital. Les États concernés ne se soucient pas de leur sort. La plupart réfugiés dans les forêts voient l’homme « moderne et civilisé » sans scrupules les poursuivre jusqu’à leur dernier retranchement, la forêt. La forêt qui est à la fois un supermarché et une pharmacie à ciel ouvert, se réduit chaque jour sous leurs yeux.

La convention relative aux peuples indigènes et tribaux (1989) et la déclaration sur les droits des peuples autochtones (2007) ne sont pas efficaces puisqu’elles sont, dans la pratique, constamment violées et dépourvues de sanctions palpables.

Le Burundi et sa Constitution ambiguë

Certains États, à l’instar du Burundi, ont pris des mesures plus ou moins louables dans la promotion des peuples autochtones, mais le chemin reste encore très long. Les Twa, peuple pygmée du Burundi, trouvent leur compte dans la gestion de la chose publique. Quoi qu’il en soit, les mesures prises ne répondent pas aux exigences du principe d’égalité.

Ce qui est qualifié d’avancée n’est qu’une goutte dans un océan des problèmes. Dans un pays où la forêt n’existe pas, les Pygmées du Burundi ont appris à se sédentariser. Ceux qui ne le sont pas encore, le gouvernement les encourage à le devenir en leur octroyant des terres cultivables, chose qu’ils n’ont jamais possédée. La poterie reste leur activité principale. La Constitution de la République du Burundi fortement greffée de l’accord d’Arusha, a réservé quelques places à la communauté Twa au parlement où ils sont cooptés.

Pour ce qui est de l’exécutif quelle que soit l’interprétation à donner à l’article 129 de la Constitution l’exécutif reste exclusivement une affaire de Hutu et deTutsi.
Article 129

« Le gouvernement est ouvert à toutes les composantes ethniques. Il comprend au plus 60 % de ministres et de vice-ministres hutu et au plus 40 % de ministres et de vice-ministres tutsi… »

Tout en admettant que l’exécutif soit composé de Hutu, Tutsi et Twa, s ’il est à 99 % composé de Twa, les Hutu et les Tutsi se partageront le 1 % restant à hauteur de 60  % et 40 %. Ce qui est improbable quand on connaît réellement les appétits des uns et des autres pour le gâteau Burundi. La réalité sociopolitique du pays me pousse à affirmer que les Hutu et les Tutsi se sont partagé « constitutionnellement » le pouvoir en excluant toute une communauté.


A la paix

colombe-paix-Aujourd’hui je prends la peine de t’écrire. Ce n’est pas avec un grand plaisir que je le fais. Mais avec un cœur qui ne supporte pas du tout ton absence à certains lieux. Ce vide que tu as laissé a été fatal pour la Centrafrique, pour le Mali, pour la Libye, pour la Palestine, pour l’Ukraine, etc.
Je trouve que tu es parfois égoïste et sans pitié. Je ne sais pas comment tu fais pour être comme un diamant. Tu as un cœur dur comme un diamant, tout le monde te veut comme un diamant et tu es aussi rare qu’un diamant en Palestine. As-tu autant peur de ces hommes qui te détestent pour te réfugier ailleurs?
Personne ne connait ton adresse exacte toi qui règnes un peu partout. Tu règnes en France, aux USA, en Australie… comme une reine. Mais où trouver ta résidence, ton château ? As-tu peur d’un complot de Boko Haram pour quitter le Nigeria ? Crains-tu l’État islamique pour quitter l’Irak et te fondre dans le silence?
Ces mots ne te parviendront certainement pas. Mais je veux que tu te répandes sur toute la terre. Règne en Centrafrique, règne en République Démocratique du Congo, règne en Palestine, règne en Ukraine, règne en Afghanistan règne en Irak, règne au Mali, règne en Libye et règne aussi chez moi, au Burundi. Étends ton pouvoir sur tous les territoires. Prends possession des terres arides comme fertiles. Règne en maitre.
Si tu passes ton temps sur internet, tu trouveras peut-être ces mots en ton nom. Alors règne !