Révision constitutionnelle : si j’étais le législateur (acte 2)

Article : Révision constitutionnelle : si j’étais le législateur (acte 2)
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14 décembre 2013

Révision constitutionnelle : si j’étais le législateur (acte 2)

Je précise d’emblée qu’il s’agit tout simplement d’une fiction montée afin répondre à la question de savoir à qui devrait profiter la révision constitutionnelle. Je respecte les institutions de l’État ainsi que sa constitution (même si je ne l’ai jamais approuvée). Je ne peux non plus prétendre avoir le droit d’initier une quelconque révision constitutionnelle. Seuls le Président de la République, l’Assemblée Nationale et le Sénat peuvent prendre une telle initiative (art. 297 de la constitution). Mais puisque la question est toujours d’actualité, parlons-en !

Comme on le sait, l’État est très puissant et ceux qui le meuvent peuvent être tentés de détourner cette puissance à des fins personnelles et oublier l’intérêt général qui doit guider son esprit d’où la présence dans des nombreux textes de certaines limites. Pour des raisons d’intérêt général toujours, on retrouve une certaine hiérarchie des textes et au sommet la Constitution qui est la loi fondamentale. La tentation de s’éterniser au pouvoir est grande chez nos dirigeants. Mettre la constitution à sa taille semble être la mode. Tout recours devant une juridiction sensée faire respecter cette loi est peine perdue. La décision est connue d’avance et est toujours en faveur de la formation politique au pouvoir. Les exemples ne manquent pas. Au pays de Lumumba, on supprimera le deuxième tour des élections présidentielles ce qui permettra au président actuel d’être réélu avec moins de 50 % des voix exprimées au premier tour. On se rappellera encore du Conseil constitutionnel ivoirien qui invalidera les résultats des élections présidentielles dans certaines circonscriptions favorables à Ouattara. Quant à notre Cour Constitutionnelle, l’invalidation des mandats de 22 députés dissidents du CNND-FDD (Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie) nous laisse dubitative sur son indépendance. Et dire que cette Cour devrait, peut-être et si cela se confirme, se pencher sur la question d’une probable troisième candidature de l’actuel Président de la République, ça craint.

Constitution-p
Le dialogue est aussi un deal politique

Le dialogue  réclamé par les partis de l’opposition ne sera qu’un énième rapport de force entre les politiques où chacun tirera le « drap-peuple » de son côté et à la fin, on finira par avoir des brèches permettant aux uns et aux autres, une fois au pouvoir, de nous jouer le même tour, nous le vrai peuple. Il est important de souligner que ce rapport de force nous protège aussi quelque part, mais il ne va rien résoudre parce nous peuple, nous ne participerons pas directement à ce dialogue. Un exemple frappant dans la constitution qui est le résultat d’un autre dialogue se retrouve dans la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, de son fonctionnement et de ses attributions qui ne peuvent en aucun cas garantir l’indépendance de la Magistrature et de surcroit, l’indépendance de la justice. Cette constitution est une œuvre issue d’un long processus de dialogue inter-burundais, mais qui s’avère être plutôt un deal politicien.
La question des quotas ethniques dans la composition du gouvernement est un autre exemple frappant et prouve ce qui est dit haut, un deal. 60% des hutus et 40% des tutsis (art. 129) comme quoi le Burundi ne comptent que des hutus et des tutsis. Tout en oubliant que l’élément commun à la base à la guerre civile et qui aboutirait au fameux accord d’Arusha était l’exclusion. Quelle place pour les minorités ?
L’œuvre humaine n’est pas parfaite et la loi fait partie de ces œuvres humaines. La constitution de 2005 qui est l’aboutissement d’un long processus de négociation à Arusha n’échappe pas aux critiques mêmes les plus acerbes.
Si j’étais législateur et soucieux du peuple, je porterais mon attention à alinéa. 3 de l’article 209, les articles 217 et 219 de la constitution. J’ajouterai une disposition interdisant toute révision qui portera atteinte à la limitation des mandats du Président de la République à l’instar de la Constitution de la République Démocratique du Congo dans son article 220.

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Commentaires

Pascale
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bonjour,
j'arrive à Bujumbura le 11 aout 2015, et cherchant qq info sur le Burundi je suis tombée sur ton bog un peu par hasard.
J'aime tes articles, ta façon d'écrire.
J'attends comme tout le monde de voir ce qui va se passer après l'annonce des résultats des élections présidentielles, car tes craintes d’une troisième candidature de l’actuel Président de la République étaient fondées ...