Le silence des morts

Article : Le silence des morts
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29 septembre 2012

Le silence des morts

Sur la route nationale numéro trois, une des routes les plus utilisé par les usagers de tout profil, on y rencontre un paysage architectural discordant. Dans un domaine où reposaient, en paix les morts, on y érige des maisons d’habitations, des boutiques alimentaires, on y pratique l’agriculture et on y emmène les bêtes brouter de l’herbe.

Dans le cimetière de Nyabaranda, à l’extrême sud de la ville de Bujumbura, une vie animée prend désormais place sur ce site silencieux dans lequel logent pour l’éternité les morts. C’est aux abords du lac Tanganyika qu’un spectacle désolant s’offre aux spectateurs. Des enfants jouent au cache-cache sur les tombes, les toxicomanes s’y donnent rendez-vous. Une école, une église, un bistrot, un dépôt de boissons, des maisons d’habitations, des fabriques de briques cuites, des cultures vivrières font parties du décor de cette cité des morts. On y rencontre des ossements à tout bout de champs.« Il arrive pendant des travaux de construction de déterrer des ossements humains, mais chacun veut avoir un lopin de terre dans la capitale » avoue Antoine, un des voisins des sépultures.

La coutume burundaise, comme toute coutume africaine s’insurge contre ce genre de comportement qui ne respecte pas le repos de nos morts. Le respect des morts est un devoir pour tous, il ne peut pas être dérogé. A mon étonnement, des cimetières, à l’instar de celui de NYABARANDA ou de RUZIBA, sont profanés au grand jour. Il est regrettable de constater que ce comportement, aussi condamnable par la coutume que par la loi du Burundi, prenne de l’ampleur. La loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal est sans équivoque à son article 236

» Est puni par des peines prévues à l’article précédent, quiconque a détruit, dégradé des tombeaux ou pierres sépulturales. »

Ces peines vont de trois mois à un an de servitude pénale et une amende de dix à cent milles francs burundais (environ 60 euros).

A voir l’allure avec laquelle s’érigent ces constructions, on ne peut conclure qu’à un laxisme de la part de l’administration. En novembre 2004, lors d’un conseil des ministres, le gouvernement avait décidé la réhabilitation des tombes détruites. La mairie de Bujumbura qui devrait se charger de la destruction de ces maisons et de ces cultures n’a jamais appliqué cette décision.

Superstitieux, Eric s’inquiète: « Comment peut-on construire une église au dessus des tombes? » « Je ne pourrais même pas rester dix minutes dans un cimetière sauf s’il s’agit d’un enterrement. Je me pose une question sur le genre de rêve que font les nuits les habitants de ces lieux », ajoute-t-il.

Dans une société où une personne décède, sa dépouille ne peut être exposée à son domicile. On ne peut que se demander avec quel moyen ces burundais se donnent le courage de déranger les morts, ces êtres à qui on souhaite un repos paisible. O temps, o mœurs! Faudrait-il que ces chers sans chairs ressuscitent pour réclamer leur domaine?

une croix

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