Le fonctionnaire burundais, maître du temps

28 novembre 2014

Le fonctionnaire burundais, maître du temps

Les services publics burundais laissent à leurs bénéficiaires un problème organisationnel de taille ; le temps. Une question pince souvent les lèvres de ses usagers : combien d’heures un fonctionnaire burundais travaille-t-il par jour?

Le fonctionnaire burundais se distingue sur un point intéressant : il est toujours en retard. Il arrive à son lieu de travail à 9 h au plus tôt et 10 h au plus tard. À 11 h il n’accueille plus personne alors qu’il est censé travailler jusqu’à 12 h. Ce comportement trouve également sa place dans le secteur privé où la pratique s’installe petit à petit.

Le gong unique qui commence officiellement à 8 h pour prendre fin à 15 h 30, a entièrement subi une « réforme » sans qu’un texte ne soit à la base. La pause de 30 minutes peut aller au-delà de deux heures. Et il ne s’agit pas des fonctionnaires qui font les deux gongs. Pire, c’est quand vous vous rendez dans un hôpital public : les médecins ne sont, presque tous, jamais là. Ils préfèrent offrir leurs services chez les privés. Malheur aux pauvres qui doivent recourir aux hôpitaux publics.

Comment parviennent-ils à réduire les sept heures en trois ?

Une des prouesses du fonctionnaire burundais est sûrement celle de réduire les heures de travail sans se faire sanctionner. Une sanction relèverait d’une injustice aggravée vu que même le chef de son service se livre à cet exercice.

Il arrive au travail à 9 h, il passe son temps à saluer tout le personnel de tous les services présents dans son bâtiment (du chef au subalterne ou du subalterne au chef). Ensuite en bon croyant qu’il est, il grattera quelques autres minutes sur notre temps pour la prière afin de remercier Dieu qui lui a donné ce travail ou de Lui demander une promotion. Il prend un peu de temps pour lire quelques versets bibliques après sa prière. Ce rituel terminé, il ouvre enfin les premiers dossiers. Dossiers qu’il a lui-même emmenés de chez lui, remis la veille par un frère, un proche ou tout simplement un homme d’affaires qui ne voulait pas faire la queue et suer comme les autres dans des bureaux parfois mal aéré et sans lumière. Ce service ramènera au fonctionnaire la bière de la soirée.

A 10 h, il appelle le premier citoyen en tête de file (Mon Dieu, petit détail précieux, si la file s’était constitué sinon c’est une bousculade sans qualificatif qui s’ensuivra). A 11 h, il n’accueille plus sauf s’il y a une ou deux personnes qui vont le bercer avec quelques billets de banque. Selon lui, il est temps de faire sa pause. Si c’est un fonctionnaire à gong unique, c’est entre 13 h et 13 h 30 qu’il reprendra du service pour finir à 14 h ou 14 h 30. Si le fonctionnaire est à deux gongs, il reprendra le travail à 15 h et finir à 16 h 30.

Pendant qu’il accueillait, le chef aussi appelait de temps en temps pour pouvoir prendre en priorité le dossier d’untel parce qu’il est du parti ou encore son frère ou encore un ami avec qui il partage les bières les soirs ou encore il aurait reçu une promesse quelconque.

Au début de son mandat, l’actuel président de la République, n’hésitait pas à faire des visites surprises dans les ministères et autres institutions publiques pour constater les retards, mais aussi les problèmes auxquels ils faisaient face. Les fonctionnaires retardataires étaient réprimandés. Mais ce temps-là est révolu, il appartient désormais à l’histoire.

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Commentaires

fatiana
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C'est pareil à Madagascar! :D parfois, on a peur de leur demander de faire le travail pour lequel ils sont payés!

Alain Amrah Horutanga
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C'est presque partout pareil. Au congo (RDC), on était allé avec un ami pour remplir les formalités afin d'ouvrir une petite entreprise. Là, il nous manquait la signature d'un fonctionnaire qui ne se présente que pour signer sa présence au travail et s'en aller. Donc il fallait l'appeler à son numéro privé.
En demandant de faire son travail, un fonctionnaire m'avait répondu "c'est toi qui es mon employeur ? "

Célestin KAMGA
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Merci pour ce billet su la mentalité du fonctionnaire au Burundi!
Comme dans plus d'un cas, il faudra du civisme et de la détermination pour vaincre une telle dérive!

Alain Amrah Horutanga
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Il faut d'abord commencer par assassinir ces services. Certains se comportent comme s'ils n'avaient pas envie de travailler. Il y a tellement de chômeurs qui peuvent valablement les remplacer.