Et si la dot était un frein à l’émancipation de la femme?

5 février 2013

Et si la dot était un frein à l’émancipation de la femme?

 

Aborder la question de l’émancipation de la femme dans une troupe d’hommes (je dis bien dans une troupe) suscite une discussion interminable mais aussi passionnant. Certes, elle fait grincer les dents de certains parce que enchainé encore par la coutume et les religions qui veulent que la femme soit soumise à son mari. Mais dans la présente réflexion il ne s’agit pas de la place de la femme dans les religions ou la coutume. Comme la coutume elle-même ou la tradition, la condition féminine est un sujet presque impossible à aborder au risque d’être traité de je ne sais quoi d’athée ou des -ismes. Il faut se taire pour ne pas attirer les foudres des religieux et des traditionalistes. Heureusement que sur internet ils sont encore moins nombreux car ils détestent le progrès. Plusieurs articles traitant de la condition féminine ont paru et paraissent encore dans des nombreux quotidiens, hebdomadaires, mensuels, revues, magazines. D’autres personnes encore ont voulu faire entendre leurs voix d’experts sociologues à travers les radios et télévisions. Bref, tous les moyens de communications possibles ont été sollicités pour essayer d’expliquer cet état de fait qui ne date pas du siècle dernier et qui perdurent.

Dans le cadre de ma petite occupation de partager avec  vous mes points de vue, j’ai décidé d’ouvrir le débat avec un sujet choc dans ce que j’appelle la faculté de la rue. Loin d’être un chercheur ou un expert dans tel ou tel autre domaine je traiterai des sujets à ma propre façon comme on le fait avec les amis dans la rue ou dans un café.

Cette série commence par un sujet qui n’intéressent pas trop les jeunes mais qui les concernent et les concerneront plus tard au cours d’une certaine période de leur existence. C’est lors d’un débat autour d’une nouvelle écrite par une de mes amis qui traitait de la question de l’indépendance ou plutôt de la dépendance de la femme à son mari². D’un coup quelqu’un lancera la dot est aussi une cause de dépendance de la femme à l’égard de son mari quand moi je voyais la religion avec le fameux « femme soit soumise à ton mari… » de la Bible.

Cette donne a attiré mon attention. Le débat qui portait sur cette dépendance à réveiller en moi une curiosité de continuer à débattre avec d’autres amis c’est ainsi que j’ai fini par conclure que cette dépendance de la femme trouvait un appui solide du coté de la coutume africaine non pas cette fois avec ce qu’on a toujours appelé la théorie de la division des taches mais dans la dot elle-même, le prix de la fiancée qui est le point de départ d’une vie de couple. Bien que la nouvelle se situait au Burundi. C’est plus la pratique de cette coutume qui s’observe dans la grande majorité des coutumes africaines qui fait que je l’étende à toute l’Afrique. La question n’est pas en soi tabou pour ne pas en parler. Mais volontairement ou inconsciemment on l’offusque comme si c’était un crime de lèse-coutume de la remettre en cause. En voyant en elle un frein à l’émancipation de la femme, la dot africaine puisque c’est d’elle qu’il s’agit et qui n’est autre que ce que J. Goody et S.J Tambiah appellent  le prix de la fiancée. La dot en occident, plus particulièrement en Europe de l’ouest, s’entend comme les apports matériels et financiers de la famille de l’épouse au mari de leur fille et en Afrique la dot ce qu’on traite du prix de la fiancée qui est donc l’inverse de la dot occidental à savoir le mari ou le futur mari apporte une certaine somme ou des biens à la belle famille pour que la bénédiction et l’autorisation leurs soient accordées.

La dot en occident n’existe plus mais elle n’a pas non plus totalement disparu. Elle semble persister dans certains coins. Mais je préfère, pour ne pas heurter, certaines sensibilités appeler le prix de la fiancée de dot comme on en a l’habitude.

Peut-on concevoir un mariage sans pouvoir verser la dot aujourd’hui en Afrique? La dot africaine peut-elle être vue comme le prix de la fiancée? La dot africaine en soit n’est-elle pas un frein à l’émancipation de la femme?

Le code de la personne et de la famille burundais est bien clair dans ses lignes. Il y a aucune trace de dot comme condition de validité du mariage. Dans son article 93; « la validité du mariage ne peut-être conditionnée par le versement d’une dot, même dans le cas d’un engagement écrit du futur époux » qu’en est-il de a pratique? C’est bel et bien une condition. Pour contracter un mariage civil il faut verser  une dot. On n’y peut rien. La coutume a encore de beaux jours devant elle. La dot parait comme une condition de validité du mariage du point de vue des familles et de la société entière. Le futur mari se sent obligé coutumièrement ou plutôt traditionnellement. Du point de vue juridique, c’est-à-dire en  considérant le mariage comme un contrat civil, la dot n’est pas une condition préalable à la conclusion d’un mariage comme l’énonce l’article 93 du code des personnes et de la famille burundais. C’est plutôt une condition coutumière, une condition traditionnelle qui est encore ancrée dans les esprits de beaucoup de parents et voire même ceux des jeunes. Elle est la confirmation, pour certains, de la capacité de voir en l’homme son sens de la responsabilité. Il confirme par ce geste là qu’il est capable de prendre en charge la future épouse qu’elle ne manquera de rien. Il faut souligner en passant que la réunion de la somme fait parfois objet de cotisation. Mais pour d’autres et d’ailleurs dans la grande majorité, ce qui est même de l’idée de cette dot, c’est un signe de remerciement. C’est un cadeau du futur mari à sa future belle-famille « pour avoir bien élevé sa future épouse ».

La dot africaine qui est le prix de la fiancée est une réalité. Elle n’est pas une invention de l’occident. Comme élucidé précédemment, elle est soit une récompense à la famille de la fille pour les soins apportés antérieurement à la future épouse soit encore un signe probant de la capacité pour le futur époux à prendre en charge sa future épouse. C’est l’essence même de la dot. Elle n’est pas parfois exprimée dans son premier sens  et on tourne en rond lui donnant d’autres sens bien recherchés. L’idée de récompense dégage en elle-même la notion du prix. Il ne s’agit pas dans ce cas d’une libéralité. On comprend suffisamment qu’il s’agit bel et  bien d’un acte qui profite aux deux parties. Plusieurs autres éléments consolident cette considération notamment dans la pratique du prix de la fiancée. La dot se discute selon que l’on est riche ou pauvre, selon que l’on est dans une ville ou dans un village etc. Ce prix se négocie comme si la femme était un « objet » qu’on négociait sur le grand marché de Bujumbura car souvent elle se discute en termes de vaches lors de la cérémonie dotale et parfois publiquement. Il n y a donc pas de raisons de nier l’évidence il s’agit bien du prix de la fiancée.

Les instruments juridiques montrent suffisamment que l’homme et la femme jouissent des mêmes droits et sont tenues aux mêmes devoirs. Mais le poids de la coutume est toujours lourd à dégager du jour au lendemain dans les esprits de nombreuses personnes. Ce qui ne permet pas à certaines catégories, que je qualifierai des « faibles », d’exercer et voire même de jouir de certains droits qui leurs sont reconnus. De ces catégories il y a les femmes, les enfants, les personnes vivant avec handicap… Quand je parle de femmes cela ne veut pas dire que toutes les femmes ne jouissent pas pleinement de leurs droits. C’est cette donné qui a poussé législateur par exemple à reformer le code des personnes et de la famille burundais.

La dot comme vue haut n’est pas juridiquement une condition préalable pour contracter un mariage mais elle a une très grande importance aux yeux de la société burundaise à 80% analphabète. Une importance très grande que les solennités devant l’officier de l’état-civil. Mais le fait que la dot se négocie comme si la femme à prendre en mariage était une marchandise n’est pas réellement un frein à son émancipation? Certains trouveront dans cette pratique une libéralité. Mais une libéralité est un acte juridique unilatéral qui ne se négocie pas et qui n’est pas obligatoire. Pourquoi se sentir obligé de faire une libéralité? Mais ici comme je l’ai dit, il ne s’agit pas d’une liberté mais d’un acte ou chacun attend quelque chose de l’autre. Une sorte de contrat synallagmatique comme le démontre la doctrine juridique. Une partie attend l’argent et l’autre partie la femme et le prix de l’échange est la dot. L’opération remplit les conditions d’un contrat synallagmatique et non d’un acte libéral!

Dans cet échange qu’entend le futur mari? Qu’entend la future épouse? Que dit la coutume? Celui-ci ne s’apparente-t-elle pas à une forme d’adoption? Si, c’est une forme d’adoption si l’on veut humaniser cette pratique. Non, si on veut la déshumaniser et la réduire à un échange d’objet tout simplement. En assimilant cette pratique à une adoption, la dot réduit la femme à un enfant donc à un incapable juridiquement parlant. L’homme en versant la dot prouve sa capacité à prendre en charge une famille, une femme et subvenir à tout ses besoins. Et en retour la femme que prouve-t-elle? Rien, si ce n’est obéissance et soumission. Elle se fera représenter par son mari, elle devra avoir son accord pour accomplir certains actes. Ceci se vérifie quand la femme doit trouver un emploi où le mari doit marquer son accord.

Les hommes voient mal que sa femme soit une secrétaire, un médecin garde nuit ou infirmière de garde, hôtesse…

Comme un enfant, elle a besoin de l’avis de son mari pour poser un acte juridique surtout quand il touche à son emploi du temps. On lui sortira un « tu manques de quoi ici pour travailler et ne plus s’occuper de l’éducation des enfants? » Si le mari est nanti. Dans cet échange dotal, il y a aussi un élément psychologique qui joue du coté de la future femme comme du coté du futur mari. Du coté de la femme, c’est ce qu’on appelle « une dette morale ». « Il y a une somme, des objets qui ont été donné afin que cet homme m’acquiert et donc je dois faire honneur à mes parents »  cet élément la retient à ne pas aller l’encontre de la volonté de son mari.

N’oublions pas aussi les livres Saints dans la fameuse phrase « femme soit soumise à ton mari… » mais aussi les français qui disent la main qui donne est au dessus de celle qui reçoit.

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